Louis Vuitton Cup, clap de fin ?

A chaque édition le sujet revient. Louis Vuitton continuera-t-il à donner son nom à la compétition des Challengers, la Louis Vuitton Cup pour l’America’s Cup ? La probabilité que Vuitton se retire est forte. Le succès de la marque Vuitton est pourtant intimement lié à la Coupe.

Henri Racamier. Louis Vuitton Cup. Cuplegend
1983 – Henri Racamier remettant à Alan Bon la Louis Vuitton Cup. Cuplegend

 Depuis 1983, la Louis Vuitton Cup est le passable obligé pour affronter le détenteur de l’America’s Cup. Au fil des éditions, l’événement a pris une dimension de plus en plus importante médiatiquement et son budget de fonctionnement aussi. Son montant a toujours été gardé secret. L’histoire de la Louis Vuiiton Cup remonte à 1983. A l’époque devant l’affluence de défis déposés, il faut trouver une source de financement pour organiser la sélection des challengers dans de bonnes conditions. C’est Bruno Troublé qui s’est illustré aux côtés du Baron Bich qui va trouver la solution en sollicitant Henri Racamier, le patron de Vuitton.

En 1983, la première Louis Vuitton Cup est organisée avec un budget de 30 000 francs. Elle est gagnée par Australia II et c’est Alan Bond qui est le premier à recevoir la Louis Vuitton Cup. Elle lui est remise par Henri Racamier qui tente de développer la marque de cette PME dont il a repris les rênes 5 ans plus tôt à l’âge de 65 ans ! A partir de 1977, en une dizaine d’années, Vuitton se dote d’un réseau de plus de cent boutiques, en particulier au Japon et aux Etats-Unis. En parallèle, l’entreprise muscle son marketing. Reste à faire de Vuitton une grande marque de luxe internationale, à transformer sa toile à monogrammes un peu triste en un emblème reconnu dans le monde entier. C’est ce que réussit Henry Racamier, aidé par son gendre, le publicitaire Jean-François Bentz. Ensemble, ils dotent Vuitton d’une image puissante, notamment en parrainant la Coupe de l’America avec la Louis Vuitton Cup. Résultat : un succès tel qu’à Paris les touristes japonais font la queue avenue Marceau, et doivent accepter d’être rationnés. En 1989, Vuitton affiche 690 millions d’euros de chiffre d’affaires, soixante fois plus qu’à l’arrivée d’Henry Racamier. Et, dans cette période, la marge nette peut atteindre 20 % des ventes. De quoi satisfaire amplement la Bourse, où l’entreprise est cotée depuis 1984. En 1987, le krach boursier permet à Bernard Arnault de prendre le contrôle de la société. La Louis Vuitton Cup devient un événement de plus en plus médiatisé et devient mondial.

Pendant plusieurs éditions, La Louis Vuitton Cup se déroulera sans accroc aux Etats-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Le partenariat semble gagnant des deux côtés. Le budget global de l’événement évolue progressivement pour atteindre en 1998, 25 millions d’euros en Nouvelle-Zélande. La quote-part de la Louis Vuitton Cup avoisinant les 10 millions d’euros.

En 2004, avec la victoire des suisses d’Alinghi et l’arrivée de la Coupe en Europe, les relations entre organisateurs et Vuitton commencent à se tendre. Les suisses voient grands. Pour cette édition, l’événement est organisé sur trois ans avec des Louis Vuitton Series. Les suisses bâtissent un stade de voile à Valence et l’investissement total pour la Coupe monte à plus d’1,5 milliards d’euros. Le budget de l’organisation de la Coupe atteint 232 millions d’euros. Du jamais vu! Le montant demandé à Vuitton pour la Louis Vuitton Cup est multiplié par 10. On parle de 20 à 70 millions d’euros. Pour ce prix-là, les suisses concèdent le nom de l’America’s Cup à Louis Vuitton qui devient America’s Cup Match by Louis Vuitton. La pilule reste dure à avaler pour les équipes de Louis Vuitton et pour Bernard Arnault que l’on dit, en plus, pas du tout intéressé par la voile.

Cette 32ème édition sera pourtant magnifique avec des retombées mondiales records. La Coupe a passé un cap médiatique important. Les « anciens » regretteront pourtant l’ambiance et l’esprit yacht club style Newport pour les américains ou l’esprit décontracté Auckland pour d’autres. L’éternelle querelle entre anciens et modernes.

2007, marque la victoire des suisses d’Alinghi qui parviennent à défendre brillamment la Coupe chèrement gagnée à Auckland. Malheureusement, a trop en vouloir, l’America’s Cup va rentrer dans un tunnel pendant 3 ans. Le protocole que le suisses édictent avec un Challenger of Record fantôme met le monde de la Coupe en ébullition. Oracle se lance dans un conflit juridique. Louis Vuitton annonce son retrait de la Coupe et son souhait d’organiser ses propres courses. Dans un communiqué, la société indique avoir « décidé de ne pas donner cette fois-ci son nom à la prochaine épreuve de sélection des Challengers mais observera avec attention l’évolution de l’épreuve à l’avenir. « Les nouvelles règles de l’America’s Cup impliquent une approche plus commerciale et le protocole signé est déjà contesté par certains équipages. Il y a d’ailleurs un risque de diminution significative du nombre d’équipes participantes », poursuit le communiqué. Les relations entre Louis Vuitton et ACM étaient devenues difficiles. Louis Vuitton pourrait cependant organiser sa propre épreuve (AFP 13 juillet 2007). Louis Vuitton critique les dérives financières de la dernière édition qui vient de se terminer à Valence en Espagne.

Pendant 3 ans, la guerre est ouverte entre les suisses et les américains. Louis Vuitton partenaire historique de l’événement demeure l’ultime gardien de la tradition avec la Louis Vuitton Cup et jouera pleinement son rôle avec son équipes en place depuis des années : Yves Carcelle, Christine Bellanger et bien sûr Bruno Troublé. Ils permettront aux autres challengers et aux marins de perdurer  avec notamment les Louis Vuitton Series.

En février 2010, les américains remporte sur l’eau la 33ème édition de l’America’s Cup qui a lieu pour la première fois sur des multicoques géants. La Coupe poursuit sa révolution alors qu’on pensait revenir à un format plus traditionnel. Larry Ellison le puissant patron d’Oracle a pris goût aux multicoques et veut sa Coupe sous ce format. Malheureusement, entre temps, la crise de 2008 est passée par là. L’édition suivante sera catastrophique en nombre de participants. Alors qu’il y avait eu plus de 12 challengers inscrits en 2007. La Louis Vuitton Cup en 2013 compte seulement 3 challengers : Team New Zealand, Luna Rossa et Artemis racing. Et encore, le bateau suédois est à quai et n’est pas prêt pour la Louis Vuitton Cup après un tragique accident.

En 2010, la Louis Vuitton Cup commence très mal. La première course voit Team New Zealand navigué seul contre lui-même, Luna Rossa refusant de courir pour des raisons de règlements. La suite de la Louis Vuitton Cup n’aura pas beaucoup d’intérêt, Team New Zealand dominant largement ses deux adversaires. Un spectacle inintéressant.

Pour Louis Vuitton dont l’investissement a largement diminué, le bilan de cette dernière édition demeure quand même élevé au regard des retombées médiatiques qui n’ont pas du tout été à la hauteur même si l’America’s Cup Match a été extraordinaire.
Les temps changent. Après des années passées à la tête de Louis Vuitton qu’il a réussi à propulser au premier rang mondial du Luxe, Yves Carcelle, le Président de Louis Vuitton a quitté ses fonctions pour une retraite bien méritée. Bernard Arnault cherche quant à lui à organiser sa succession. Sa Fondation d’Art contemporain qui se construit au cœur de Paris accapare tous ses esprits. Bruno Troublé s’est retiré de l’organisation depuis 2008 où il a été écarté injustement et on l’a vu très peu à San Francisco.

Est-ce la fin d’une époque ? Le dernier rempart resterait Antoine Arnault, fis de Bernard Arnault qui reprend les rênes de Vuitton et que l’on a vu plusieurs fois sur la Coupe et qui semble apprécier la compétition. Le vide laissé par Vuitton serait dans tous les cas important. Les probabilités que Vuitton se retire sont forte alors qui pour le remplacer : Rolex ?

Ludovic Sorlot

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