L’Équipe de France SailGP aborde la saison 2026 avec confiance et ambition avec de nombreux changements. Quentin Delapierre pilote du F50 espère toujours pouvoir gagner le championnat.
Philippe Presti est désormais dans l’équipe, c’est une bonne nouvelle…
Quentin : L’arrivée de Philippe est un énorme coup pour l’équipe. Je suis très heureux qu’il nous ait rejoints. Il est enfin sous les couleurs de la France, donc c’est génial. Nous discutions depuis très longtemps de sa possible venue. Il attendait le bon moment, je suppose.
L’un des éléments déclencheurs est le fait que nous travaillions depuis une saison avec Philippe Morniac, et les deux se connaissent très bien. Comme l’a dit Philippe, nous ne sommes pas encore arrivés à l’objectif que nous nous sommes fixé depuis trois saisons, à savoir remporter le championnat. Mais nous n’en sommes vraiment pas loin. Il y a plein de choses que l’équipe de France fait très bien, et d’autres sur lesquelles nous devons progresser. Je pense que nous sommes dans de bonnes mains, car c’est l’un des domaines d’expertise de Philippe. J’espère donc que nous vous ferons rêver cette année.
Sur quels points Philippe Presti peut-il apporter des choses ?
Il y a deux points sur lesquels Philippe est particulièrement pertinent. Le premier, c’est de m’aider à être encore plus complet sur les départs. C’était déjà un point fort de l’équipe la saison dernière, mais ce n’est pas parce qu’on est les meilleurs starters de la ligue qu’on ne peut pas faire mieux. Philippe arrive avec de nouvelles idées, et nous avons déjà travaillé ensemble pour élargir notre boîte à outils.
Ensuite, le gros point sur lequel nous devons vraiment franchir un cap, c’est notre capacité tactique et technique à remonter des places sur le parcours. Nous sommes trop faibles sur cet aspect. Cette année, on a vu notamment chez les Anglais, les Australiens et les Kiwis que c’est un critère de performance majeur : ce ne sont pas forcément des équipes qui partent bien, mais elles gagnent énormément de places en course. Nous mettons donc beaucoup d’énergie pour progresser là-dessus.
Et toi, sur quoi mets-tu l’accent cette année ?
Il y a plusieurs choses, mais d’un point de vue personnel, j’aimerais être davantage dans l’anticipation, même si c’est quelque chose que je travaille depuis plusieurs saisons. Je suis loin d’être irréprochable sur ce point.
Nous avons été, moi le premier, un peu sur courant alternatif, notamment dans des conditions où nous avions du mal dans les manœuvres marginales. Cette année, nous avons souvent enchaîné des Grands Prix avec une journée réussie sur deux. À l’inverse, quand il n’y avait que du foiling ou du H2, nous avons su faire deux belles journées.
Je pense que cela réside beaucoup dans notre capacité à anticiper, et moi le premier. Je dois consolider mes points forts. Je réponds plutôt présent lorsqu’il faut réagir, mais cela fait deux saisons que je ne suis pas très bon dans l’anticipation, notamment sur des Grands Prix avec de nouvelles configurations ou des conditions dans lesquelles nous ne sommes pas forcément les plus à l’aise.
J’ai aujourd’hui une fenêtre extraordinaire pour m’améliorer. Philippe Mourniac est très bon là-dedans, Lucas également. Et avec l’arrivée de Philippe Presti, j’ai envie de saisir l’opportunité à bras-le-corps. Avec les outils dont nous disposons désormais et la répétition du circuit sur certains Grands Prix, il y a clairement moyen de savoir comment poser les bases d’un départ à Sydney, ou quelle bouée prendre en priorité à la première marque sous le vent. Cela ne veut pas dire que c’est exactement ce qui va se passer, mais cette culture des Grands Prix permet d’être le plus lucide possible, le plus longtemps possible. Aujourd’hui, je ne suis pas encore au niveau que je souhaiterais, et c’est donc un gros objectif personnel pour cette année.
Comment as-tu vécu le départ de Kevin ?
Cela a été très compliqué pour moi, parce que nous sommes proches. Mais nous avons rencontré des problèmes qui n’étaient ni d’ordre humain, ni liés au talent. Kevin est un immense athlète et je suis persuadé qu’il fera de très bonnes choses avec les Allemands.
Mais la performance d’une équipe doit être analysée de manière objective, et nous devons tous, moi le premier, faire notre autocritique pour avancer et progresser. Philippe a bien résumé la situation : nous faisons trois bonnes saisons, mais aucune dans le top 3. À un moment donné, soit on prend les mêmes et on recommence en se disant qu’on peut faire mieux. C’était l’idée pour 2025, mais la saison a été compliquée : un bateau que nous n’avons pas eu à temps, la casse de l’aile, etc.
Cela dit, après Sassnitz, tout était encore entre nos mains. Et là, nous avons connu un véritable trou noir pendant trois Grands Prix, avec des difficultés notamment lors des débriefings. Je n’entrerai pas dans les détails, mais cela fait partie des raisons qui nous ont amenés à envisager un changement.
C’est un risque que nous avons pris, mais à ce niveau, on ne peut pas espérer performer sans en prendre. Je pense qu’il est mesuré. L’arrivée de Lee McMillan, vainqueur de la dernière Louis Vuitton Cup, qui a déjà travaillé avec Lucas Delcourt, répondait à un critère important : choisir quelqu’un qui ait confiance en Lucas, et inversement. Lucas a été une énorme plus-value depuis son arrivée.
C’est un pari. Lee est très talentueux, très expérimenté. Honnêtement, c’est une véritable métamorphose par rapport au Lee McMillan que j’ai connu à mon arrivée en équipe de France. Il a une réelle envie de faire de belles choses et se montre très ouvert à notre manière de fonctionner. J’ai hâte de voir ce que cela va donner.
Avec l’intervention du coach en régate, cela change aussi votre façon de vous préparer, non ?
Il faut trouver le bon équilibre entre ce que j’appelle « l’œil de Dieu » via le coach boost — où tu es en dehors de l’action, avec énormément d’outils d’analyse — et ce que nous vivons à bord du bateau.
Sur un Grand Prix comme Abu Dhabi, tu as une bonne visibilité sur le plan d’eau, ce qui permet de faire la balance entre ce que tu observes de l’extérieur et ce que tu ressens à bord. Mais aujourd’hui, je pense que l’on accorde encore trop de poids aux décisions tactiques du coach boost. Il faut rééquilibrer cela avec notre instinct de régatier. Typiquement, sur le dernier Grand Prix, nous avons perdu trois ou quatre places de cette manière.

